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Fins de siècle

Yves Letort

En quatre nouvelles illustrées par Fabrice Le Minier, Yves Letort imagine quelques fins de siècle que la France aurait pu connaître – ou qu’elle a peut-être connues sans que nous en sachions rien, allez savoir… À l’étiquette « steampunk », l’auteur préfère celle de « rétrocipation ». Quelle que soit la bannière, ces passés alternatifs magnifiés par la justesse de son style balayent quatre manières d’en finir avec le siècle. Et si une race extraterrestre prenait le contrôle du métropolitain ? Et si l’avancée d’un blob invincible menaçait Paris ? Et si naissait dans notre pays une révolution dans l’art de la dentisterie ? Et si la France avait conquis et colonisé Mars et Vénus en 1907 ?

« Remontons à ce paradoxe historique où la France victorieuse de 1871 reste un territoire assiégé. Notre glorieux pays avait su tirer profit des applications de la machinerie Kreel lors de la guerre de succession d’Espagne et s’attira en retour la méfiance de la communauté des nations, justifiée par l’absence de partage de ces connaissances. Trente ans plus tard, nombre de pays refusèrent de participer à l’Exposition universelle de 1900. La révélation des conquêtes de Mars et de Vénus (1905-1907) par les troupes françaises résonna comme un coup de tonnerre. Elle amena les gouvernements réticents à la prise de conscience d’une menace latente sur leur souveraineté. La promptitude des réouvertures d’ambassades dans la capitale dévoila l’inquiétude des chancelleries. Ce ballet diplomatique était pourtant devenu insignifiant aux yeux des instances dirigeantes françaises, absorbées dans une superlative aventure coloniale. Un homme sut apprivoiser les légations et les représentations scientifiques en leur faisant miroiter les bénéfices d’une participation à la future exposition destinée à illustrer ces conquêtes. Ces tractations subirent des retards successifs qui reportèrent l’ouverture à l’année 1916. Ce négociateur était M. Gabriel de La Landelle, ministre de l’Éther et de la Navigation extra atmosphérique. »

Né en 1960 en Bretagne, Yves Letort se passionne très tôt pour la science-fiction et réalise, de 1982 à 2000, une émission qui lui est consacrée (Radio Libertaire). Il est également libraire pendant de nombreuses années. De 1995 à 1998, il dirige une collection de science-fiction, la Bibliothèque sublunaire, chez L’astronaute mort, au sein de laquelle il publie notamment plusieurs titres d’André Ruellan. Il est l’auteur de très nombreuses nouvelles publiées en revues (Le Novelliste, L’Ampoule, Le Visage vert, Le frisson esthétique). La majorité d’entre elles a pour cadre un territoire de fiction baptisé « le Fleuve », qui a donné son nom au recueil réunissant certaines de ces nouvelles (Le Fleuve, Le Visage vert, 2015). Son roman Le Fort (L’Arbre vengeur, 2019) s’inscrit lui aussi dans cet univers. On lui doit également le recueil de nouvelles Des portraits (Ginkgo 2019), le roman La Main d’Emeline (Ginkgo 2023), ainsi que V., anthologie consacrée à la figure du vampire (Flatland, 2022).